La caravane humaine, un texte de vie.
J'ai connu, dans ma vie, qui s'étire déjà pas mal, quelques grands vivants. Ils n'étaient pas tous célèbres, loin de là. Mais ils avaient tous assez d'amour dans le c½ur pour en donner à beaucoup. Ils n'avaient pas tous un épais portefeuille, tant s'en faut. Mais ils avaient tous une grande passion dans l'âme qui donnait du sens à tout ce qu'ils faisaient. Ils n'étaient pas tous très instruits, oh non ! Mais ils avaient tous développé une sagesse en leur esprit qui en faisait de merveilleux conseillers. Ils avaient souffert, souvent même beaucoup : maladies, échecs, abandons, trahisons. Mais jamais, ils ne s'étaient laissés abattre. Toujours, ils avaient rebondi devant l'épreuve. Ils avaient compris depuis longtemps que donner est plus agréable que recevoir, qu'écouter est plus intéressant que parler, qu'admirer est plus utile que condamner. Ils avaient découvert que l'intelligence sans le c½ur est bien malcommode et que le c½ur sans les mains ne vaut guère mieux. Ils avaient trouvé aussi, souvent péniblement, que la vraie vie ne se vit pas tout seul. Il y a les autres sur qui on peut s'appuyer. Ils avaient tous gardé un sens de l'émerveillement peu commun. Capables de se pâmer devant une rose fraîchement éclose autant que devant le sourire d'un enfant ou les mains ridées d'un vieillard. Ils étaient ardent à l'ouvrage et fervents pour l'amour. Ils avaient la force des départs et le courage des recommencements. Ils avaient du coeur au ventre et aussi plein les mains. Il émanait de leur personne une sorte de magnétisme qui donnait le goût de faire un bout de chemin avec eux. Leur seule présence inspirait confiance. Ils dégageaient beaucoup d'amour. On était bien avec eux. A les voir, on avait le sentiment d'être meilleur. A côté d'eux, on avait envie de grandir. Ils avaient du feu dans les yeux et dans le coeur. Et certains, au cours du voyage, avaient rencontré Dieu qui avait éclairé leurs pas, guéri leurs blessures et réchauffé leurs froidures. Bref, ils avaient le goût de vivre et ils donnaient le goût de vivre.
Mais j'en ai connu d'autres qui avaient perdu ce goût de vivre et qui traînaient à pas lents une vie lourde de misères. Grands blessés, oubliés, déprimés, angoissés, perdus. Ce n'était pas toujours de leur faute. Ils ont excité en moi la pitié, puis la compassion, et enfin l'amour. Je leur ai voué une bonne partie de ma vie. Ils sont devenus des maîtres pour moi et je compte parmi eux quelques-uns de mes meilleurs amis. Et, il faut le dire, j'en ai connu enfin qui enlevaient aux autres le GOUT DE VIVRE, qui UTILISAIENT LES GENS plutôt que de les aimer. MESQUINS, ÉGOÏSTES, ambitieux, hypocrites, veules, jaloux, jugeurs, EXPLOITEURS. Eux aussi n'étaient pas toujours coupables. Ils m'ont souvent DONNE L'ENVIE DE VOMIR quand ils croisaient ma route. Peu à peu, cependant, ils m'ont appris la compréhension, la bonté et surtout le pardon..
Dans la caravane humaine, il y a toutes sortes de marcheurs. Des leaders et des suiveurs, des infatigables et des fatigués, des joyeux et des tristes, des bons vivants et des agressifs, des grands, des moyens, des petits, des fins et des pas-fins, des forts et des faibles... Les uns courent, d'autres s'essoufflent à rien, d'autres s'assoient sur le bord de route, d'autres enfin rebroussent chemin. Mais tous sont portés ou emportés par cette marée humaine. Tous, même sans le savoir, sont avides d'amour, sont assoiffés de vie. Ils veulent vivre.
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